- Editions Varia, Paris, 1989
Première monographie sur l’artiste « …le magnifique ouvrage qu’a élaboré avec passion le Docteur Jean-Charles HACHET va bien servir la sculpture contemporaine, si riche, variée, talentueuse, en aidant à découvrir toutes les facettes de la création de ce prestigieux sculpteur. Ses dons multiples et exceptionnels ont conquis le monde moderne. Ils sont mis en lumière et illustrés avec ferveur au fil des pages… » André BETTENCOURT, membre de l’Institut .
Ce livre n’est pas un catalogue illustré. C’est un ouvrage d’ouverture et d’initiation, d’étude et de réflexion que
l’auteur a réalisé sur les « métamorphoses d’un grand art », celui du plus prestigieux des sculpteurs contemporains. Choisies et présentées à leur place, les illustrations viennent soutenir, corroborer le texte et sa démonstration.
Ce faisant , ce livre met en évidence toutes les réussites d’une création multiple, sans cesse renouvelée, qui a si complètement conquis le monde moderne.
Cette remarquable étude, complète et précise, illustrée de 184 reproductions d’œuvres de CESAR, détaille l’aventure prodigieuse de ce sculpteur, depuis les débuts à l’école des Beaux-Arts de Marseille, puis à Villetaneuse, dans la banlieue parisienne, où il connaît la notoriété avec le prix des « Trois Arts ». Se succédant et s’imbriquant, les plaques métalliques, les compressions, les empreintes humaines géantes, les expansions, les masques et les bronzes sont autant de créations où excelle ce sculpteur usant de tous les matériaux pour exprimer son art : acier, marbre, cartons, tissus, bijoux, montres, boîtes d’emballage, plexiglas, polyester, polyuréthane, bronze…
Les multiples langages
L’art de César est à facettes multiples. Au cours de sa carrière, il a emprunté diverses voies, mais il n’y a jamais eu de rupture dans ses travaux. Pendant les compressions, il continuait à travailler sur des sculptures en ferraille, pendant les expansions il est aussi revenu à des recherches antérieures, dans les années 80 il a refait des collages d’allumettes et des compressions d’objet divers…
Dans l’œuvre de César il y a, au-delà de la variété de la production, une continuité, ou plus exactement une juxtaposition de différents langages.
Ce mode de création se perpétue aujourd’hui et César, magicien dans le domaine de l’art plastique, manifeste toujours franchement ses conceptions dans son œuvre, avec audace et spontanéité.
En 1983, il réalise son rêve ; faire un cheval. En réalité ce cheval, ce sera un Centaure créé en hommage au peintre Pablo PICASSO dont’œuvre l’a toujours fasciné.
« Depuis longtemps déjà, je rêvais de faire un cheval. Chaque fois que j’allais à Venise, je faisais un détour pour aller voir la statue équestre du Colleone. A Paris, place des Victoires, je m’arrêtais devant le Louis XIV juché sur un cheval…
Mais comment se lancer seul dans une sculpture de cinq tonnes ?...Si on n’a pas de commande, on se ruine dans la fonte et on reste avec une montagne sur les bras.
J’ai donc attendu en faisant des exercices de style. Un jour, Jack LANG, le ministre de la Culture, décide de commander cent sculptures à cent sculpteurs. J’ai eu la chance de compter parmi les élus ! Le moment était venu de faire mon cheval.
Aussitôt j’ai pensé à un Centaure. De là vient l’idée de « Hommage à Picasso » que j’imagine comme un être mythique, moitié bête, moitié surhomme ».
César a d’abord fait une esquisse en plâtre de 40 centimètre de hauteur. Mais, lorsqu’à la fonderie il a fallu changer d’échelle pour obtenir une statue de 5 mètre de hauteur, les problèmes ont surgi. Les pinceaux qui servaient de queue au petit centaure, devenaient des balais à grande échelle et il a fallu les remplacer par une pelle, un râteau. Puis c’est le poitrail qui n’allait plus, ensuite la jambe qui paraissait trop courte…Au total César a mis trois ans à faire et à défaire toutes les parties du corps du Centaure.
Finalement, cet animal fabuleux a vu le jour doté de la tête de son auteur, avec, en visière le masque de PICASSO. Il tient dans sa main gauche une colombe de la Paix. Cette œuvre très forte, devait initialement être placée en haut de la rue de Rennes à Paris, mais César s’y est opposé : « Au pied de la tour Montparnasse, mon cheval aurait l’air d’un chien ». Finalement, après deux ans de tractations, d’espoirs déçus et d’espérances, le « Centaure » à trouvé sa place, à l’angle de la rue de Sèvres et de la rue du Cherche-midi près du boulevard Saint-Germain.
En 1984, César commence une nouvelle œuvre monumentale intitulé « Hommage à Eiffel », destinée à orner le parc de la fondation
Cartier à Jouy-en-Josas. Pour rendre hommage à l’ingénieur Gustave EIFFEL à qui on doit d’avoir changé par ses ouvrages métalliques la physionomie de notre pays et en particulier Paris, César a érigé une immense plaque de 17 mètres de hauteur. Celle-ci est élaborée à partir de poutrelles retirées à la Tour Eiffel lors des travaux de rénovation qu’elle a subis. Animée d’anfractuosités et de hauts reliefs, cette œuvre marque pour César non seulement un retour au travail du fer, mais aussi un parti-pris d’abstraction pour lequel seul compte la plasticité du matériau. Elle s’intègre parfaitement dans les lignes des sculptures en fer et dans les séries de plaques et de bas-reliefs de l’époque 1957-1964. Elle est accompagnée d’une sculpture représentant Gustave EIFFEL. Elle est accompagnée d’une sculpture représentant Gustave EIFFEL.
En 1985, Jean TODT, directeur de Peugeot Talbot Sport présente à César quatre de ses voitures de course et lui demande de les compresser pour les immortaliser et rendre hommage à leurs exploits. Celles-ci avaient participé à des compétitions et il était évident qu’elles avaient beaucoup souffert. Deux d’entre elles avaient brûlé. César se souvient alors de son idée initiale de Villetaneuse : la compression d’une automobile jusqu’à ce qu’elle soit aplatie et ressemble à une plaque. C’est ainsi que les voitures « Championnes « seront réduites à une épaisseur de 30 centimètres et passée à l’équerre pour leur donner des contours réguliers. Ces pièces, aux formes quadrangulaires et aux arrêtes vives, diffèrent des premières compressions par leur frontalité. Cette frontalité est obtenue par le traitement mécanique qui décide de l’apparence superficielle et de l’aplatissement. Ces voitures compressées sont de la tôle pressée d’où ressort de la matière le dessin des divers éléments de la carrosserie et du moteur à travers les contorsions et les froissures provoquées par la presse : contours du capot et des portes, cadre du pare-brise, volant, câble électriques, etc. Il s’agit là en quelque sorte de l’autoportrait de la mémoire de ces « Championnes ».
Erigées verticalement à même le sol, ou montées sur un pied reposant sur un socle, ces compressions, par leur structure, peuvent être reliées aux séries de plaques. Mais, à la différence de celles-ci, elles comportent deux faces, le verso étant aussi « parlant » que le recto.
L’imagination de César était en action et il fallait aller de l’avant. L’artiste décide alors de commander d’autres modèles chez Peugeot, des
voitures de séries cette fois-ci, de les comprimer et de les scier selon leur épaisseur en trois tranches. De cette manière il obtenait deux plaques comprimées reproduisant deux images différentes du même objet et en plus une pièce aux contours linéaires reflétant le dessin de la carrosserie coupée en tranches fines : les portes pleines, les fenêtres évidées et le capot mince. Ce dernier élément possède une présence graphique extraordinaire. Laqué avec les couleurs de la gamme Peugeot, les fragments de tôle deviennent des compositions graphiques d’une forme pénétrante et tridimensionnelle.
En 1989, César participe à une exposition collective qui a pour titre « Solex nostalgie ». Chacun des artistes présents a accepté de réaliser une œuvre à partir de un ou plusieurs solex. César choisit de réaliser une compression de solex.
Conclusion
De nos jours, César est considéré à travers le monde comme un prodige de la sculpture française. Son œuvre lui a rapporté de nombreux prix mais, lorsqu’on le questionne à ce sujet il répond : « Cela m’est égal. Le Prix n’a pas d’importance. ».
Derrière les modesties de César, sa pudeur, son humour, il faut dire son goût du travail bien fait, du « bel ouvrage », son respect de la matière et sa passion de l’œuvre. Sa démarche artistique suit toujours une logique implacable : celle du matériau qu’il utilise, qu’il s’agisse du fer, du polyuréthane, du plastique ou du bronze. Il réunit en lui le goût de la mesure, de la clarté, et un instinct gonflé d’impulsions créatrices.
Cette nature très riche donne naissance à une sculpture pleine d’imagination, de spontanéité, d’audace et de vitalité. Sculpteur amoureux de la Beauté pure, César n’est prisonnier d’aucun mouvement esthétique « je ne me laisserai jamais enfermer dans une théorie, une morale, une vérité « professe t-il depuis toujours.
Tout art repose sur un profond instinct de la matière et une remarquable intuition poétique. Sachant tirer parti des matériaux les plus divers et de l’apport technologique de son temps, il donne libre cours à ses impulsions créatrices pour repenser sans relâche l’acquis précédent.
Maître amoureux et exigeant de la matière, César puise ses sujets dans la vie qui seule compte à ses yeux.
Chez lui l’angoisse précède toujours la décision et elle accompagne tout le processus de création.
Ses inventions ingénieuses témoignent d’une intelligence visuelle et d’une expérience manuelle inégalées.
Il faut que ses mains enregistrent des messages et son cerveau organise alors des sensations tactiles.
Homme libre, César est un artiste au plein sens du terme, il est « lui » et sa sculpture est un enchantement sans cesse renouvelé.